Économie circulaire : les bailleurs sociaux, acteurs de premier plan

Emploi de matériaux bio-sourcés dans la construction, récupération d’eau de pluie ou d’énergie fatale, végétalisation de bâtiments, maraîchers urbains, services de proximité dans la réparation, le recyclage. Autant d’initiatives qui témoignent d’un intérêt croissant des acteurs du bâtiment et de la ville pour l’économie circulaire. Partageons cet enjeu global et ses implications dans le logement social avec Paul Brejon, expert et consultant dans les transitions écologiques et énergétiques du bâtiment et de la ville. Découvrons également le référentiel dédié à l’économie circulaire dans le logement social, initié par l’Union Sociale de l’Habitat et dont il a copiloté la conception.
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Pourquoi l’économie circulaire s’impose-t-elle parmi nos priorités ?

Paul Brejon : Actuellement nous consommons beaucoup plus de ressources que ce que la planète peut produire. Nos modes de production et de consommation, et plus largement nos modes de vie, ne sont pas soutenables. Cette tension sur les ressources est illustrée par le fameux jour du dépassement*.

L’optimisation financière des projets ne suffit pas, il faut prendre en compte les externalités*. Aujourd’hui artificialiser des terres arables, émettre des gaz à effet de serre (GES) ou épuiser une ressource naturelle sont des actions qui ne se voient pas dans le bilan comptable d’un gestionnaire de bâtiment, ce sont des externalités négatives. De même, des travaux de rénovation ou de réparation qui optimisent l’existant (externalité positive) sont parfois moins rentables qu’une construction neuve, beaucoup plus consommatrice de matière première et émettrice de GES. Enfin, les efforts dans la gestion des déchets, s’ils ont progressé dans le recyclage, sont encore tâtonnants dans le réemploi (usage identique) ou la réutilisation (usage similaire), pourtant sources de plus grandes économies.

Vous l’aurez compris, l’économie circulaire est d’abord une économie de la matière première et de l’énergie, pour mieux préserver les ressources non renouvelables. Elle contribue également à optimiser le foncier, à réduire le bilan carbone de nos activités et à préserver la biodiversité, et constitue une réponse aux enjeux climatiques.

Quelle est l’importance de l’économie circulaire dans le logement social ?

PB : Dans le bâtiment en France, secteur le plus consommateur de matières premières, la part des logements sociaux représentent plus d’un huitième des logements. Ceci place les bailleurs sociaux, en tant que maîtres d’ouvrage et aménageurs, parmi les acteurs clés de l’économie circulaire.

Dans ce défi, ils ont des cartes en main. Depuis des décennies, ils pensent les projets sur un temps long (>50 ans), de leur conception à leur exploitation. Or l’économie circulaire prend en compte l’ensemble du cycle de vie du bâtiment pour optimiser les matériaux, de leur extraction (construction) jusqu’à leur seconde vie (réhabilitation/déconstruction).

Par ailleurs, l’économie circulaire favorise une approche en coût global. Ce qui est cohérent avec l’approche des bailleurs sociaux qui « construisent pour gérer dans le temps long ». Par exemple, ils s’attachent à améliorer la performance énergétique d’un bâtiment en conception (construction ou rénovation) et en exploitation, afin de maîtriser les charges des locataires. Le défi actuel est d’élargir la démarche pour optimiser l’eau, les matières premières, les émissions de CO2

Enfin, l’économie circulaire, petite sœur de l’économie de la fonctionnalité, encourage la mutualisation et l’accompagnement des usages pour limiter l’empreinte matérielle tout en apportant une qualité de service. Cette approche fait sens pour les bailleurs sociaux, à la fois responsables de gestion locative et engagés dans les territoires. Aux côtés des acteurs locaux, ils peuvent contribuer à l’économie circulaire et à l’économie sociale et solidaire au travers de services collectifs, dont leurs locataires bénéficient : mobilité douce, recyclerie, agriculture urbaine…

Aujourd’hui, qu’est-ce qui incite ou oblige les bailleurs sociaux à se lancer dans l’économie circulaire ?

PB : Le retour d’expérience de bailleurs sociaux, déjà engagés dans l’économie circulaire, montre qu’on peut générer un bilan positif sur le plan environnemental, social et financier, à partir de premières actions. Un levier clé de l’économie circulaire, ce sont les premiers petits pas, encourageants, sans surcoût. La récente loi Antigaspillage pour une économie circulaire constitue une incitation à changer certaines pratiques. De même, la nouvelle réglementation environnementale, RE2020 (entrée en vigueur au 1er janvier 2022), introduit des exigences accrues notamment en matière de décarbonation et de sobriété énergétique, sur l’ensemble du cycle de vie du logement.

Vous trouverez des exemples d’actions à impact positif dans le référentiel « L’économie circulaire dans le logement social », développé avec une dizaine de bailleurs sociaux, à l’initiative de l’USH. La fiche dédiée à chaque action type décrit sa mise en œuvre et son impact. Une quarantaine de pistes pour faire progresser l’économie circulaire et anticiper les évolutions réglementaires.

Ainsi le logement social a vocation à prendre toute sa part dans cette accélération nécessaire des transitions climatiques et écologiques en cours.

Aller plus loin : 
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Contact : Hélène BOULEY, Responsable Formation. 06.70.21.47.24 / bouley@delcoop.fr

 

*Glossaire :
Le jour du dépassement : correspond à la date de l’année à partir de laquelle l’humanité est supposée avoir consommé l’ensemble des ressources que la planète est capable de régénérer en un an (voir infographie de l’AFD et l’Ademe).
Externalité : fait que l'activité de production ou de consommation d'un agent affecte le bien-être d'un autre, sans qu'aucun des deux reçoive ou paye une compensation pour cet effet (voir encyclopédie Universalis).
Réemploi et réutilisation : pour prolonger la durée de vie des matériaux par le réemploi et la réutilisation, voir l’explication de l’Ademe.