L’orientation client, levier incontournable pour la satisfaction des locataires
Un constat : Le monde du logement social n’est pas un vase clos. Les évolutions sociétales et technologiques modifient les besoins et les attentes des locataires. Les organismes s’adaptent en conséquence et font évoluer leurs outils et leurs pratiques pour y répondre.
Une conviction : L’amélioration de la qualité de service est fondamentalement liée à l’orientation client des organismes et de leurs collaborateurs. Comment envisager la satisfaction clients sans se mettre à leur place ? Être orienté client est aussi un facteur d’engagement des collaborateurs et un moteur de transformation interne.
A propos de la qualité de service, avez-vous observé des évolutions ces dernières années ?
Gil Arban, directeur associé de Cos System : Dans différents secteurs, la recherche d’une amélioration de la qualité fournie a permis de renforcer la satisfaction des clients ou des bénéficiaires. Toutefois, cette démarche quand elle ne s’est pas concentrée sur la qualité attendue par les clients n’a pas toujours eu l’impact escompté en termes d’expérience client. De plus en plus, l’enjeu pour les entreprises réside dans la capacité à travailler sur la qualité attendue par les clients. Cela permet de ne pas se tromper de priorités pour l’organisation. Et ce d’autant plus que le niveau d’attentes des clients s’intensifie et se nivelle en même temps : les attentes sont plus perméables entre les secteurs économiques et l’immobilier n’y échappe pas : besoin de réactivité, de transparence, de confiance.
Feriel Bedder, directrice Qualité et coordination territoriale chez Unicil: Sous l’effet de l’ubérisation de la société, nos locataires portent des attentes croissantes qu’il est légitime de prendre compte, notamment en matière de suivi de leurs demandes et de réactivité. Au fil des années, les bailleurs sociaux se sont attachés à proposer des services de qualité, en étant souvent précurseurs dans l’innovation des constructions et la qualité des logements. Toutefois, il apparaît que l’écart entre la qualité fournie par les bailleurs et la qualité perçue par les locataires s’est progressivement creusée. Unicil a donc entrepris de revoir l’ensemble de son dispositif d’écoute client et d’adapter ses pratiques, afin d’offrir des services plus proches des attentes et besoins réels de ses locataires.
Céline Lachize, Responsable Qualité de service et satisfaction clients chez Alliade Habitat : Effectivement, les attentes des clients dans le logement social n’ont pas échappé à l’évolution croissante des exigences en termes de service rendu. Aujourd’hui, les clients attendent de la qualité (tant dans les produits que dans les services) mais également de la proximité, de la communication et de la réactivité. Nos locataires vivent dans ce monde de l’instantanéité (information en temps réel, réseaux sociaux). Ils attendent de notre part la même réactivité que n’importe quelle autre entreprise, ce qui nous demande d’adapter régulièrement nos outils et nos pratiques, et la Culture Client en fait partie.
Ces dernières années, nous constatons une tendance à la baisse du niveau de la satisfaction de nos clients locataires et plus particulièrement sur le traitement des sollicitations techniques (en partie privative et en partie commune) : une tendance qui est d’ailleurs observée auprès de la plupart des bailleurs de logements sociaux. La difficulté est que nous ne sommes pas, en tant que bailleur, le seul acteur : les prestataires avec lesquels nous travaillons ont, eux aussi, un impact fort sur le niveau de satisfaction de nos locataires.
Nos clients ont également des attentes et des besoins différents en fonction de la « segmentation » auxquels ils appartiennent : Alliade Habitat les intègre depuis plusieurs années dans sa stratégie à travers un portefeuille de marques (jeunes, seniors, …), et cette offre a vocation à s’étoffer.
Quand on parle de démarche qualité, on pense souvent processus, procédures, contrôle, amélioration continue… Pourquoi considérez-vous qu’il est important que les collaborateurs soient « orientés client » ?
Gil Arban : L’orientation client des équipes, c’est-leur appétence à satisfaire les clients (plus forte que leur inclination à être efficaces, fidèles à la législation, à réduire les coûts, etc), et cela a un impact énorme sur la satisfaction des clients finaux. Au quotidien, la relation entre process et orientation client des collaborateurs qui le portent est forcément complexe. Prenons 2 cas typiques :
1/ Le process qualité mis en place par l’entreprise a été particulièrement bien pensé pour satisfaire les clients. Mais, quand c’est une équipe faiblement orientée client qui le met œuvre, elle peut complexifier ou mal utiliser le process et on en vient à dégrader l’expérience des clients qui s’en trouvent finalement insatisfaits. Par exemple, le bailleur peut avoir développé un espace client en ligne, qui permet aux locataires de déposer facilement une demande, à toute heure, de suivre l’état de sa demande, etc. Mais si l’équipe, plutôt que de chercher à trouver la meilleure option pour les locataires (le meilleur canal de réponse notamment), privilégie systématiquement « l’espace client » (par facilité, par incompréhension de l’intention…), on risque de créer de l’insatisfaction chez les locataires qui recherchent de la proximité (téléphone, agence…), de l’écoute ou sont mal à l’aise avec le digital.
2/ A l’inverse, imaginons qu’un process qualité mis en place par l’entreprise crée potentiellement un impact négatif sur l’expérience des clients. En soi, il rend le parcours du client plus difficile. Heureusement, lors de son exécution, l’équipe, très attachée à la satisfaction, fait au mieux pour que les clients ne subissent pas ses effets négatifs.
Les signatures de baux ou les états des lieux peuvent être parfois être fastidieux, avec tout un protocole à suivre, mais ce sont des moments-clés pour créer du lien avec le locataire entrant et essentiels pour la suite. Les équipes améliorent, parfois d’elles-mêmes, le vécu des clients avec leurs compétences relationnelles, l’attention à expliquer les équipements ou les services de proximité, de petites attentions (prévoir une table et des chaises pour signer dans l’appartement vide, le kit d’accueil, installer leur nom sur la boîte aux lettres…).
Ces deux seuls exemples montrent bien à quel point avoir un process Qualité ne suffit souvent pas à améliorer la satisfaction client. L’orientation client de l’entreprise et en particulier de ses équipes fera toute la différence.
Feriel Bedder : Avant même de formaliser sa stratégie qualité de service et relation client, Eric Pinatel, Directeur général d’Unicil, a souhaité mesurer l’orientation client des collaborateurs afin de s’assurer de leur adhésion pleine et entière à la démarche. Nous avons donc réalisé une enquête COS dont les résultats ont permis d’identifier nos forces et nos points de vigilance et de mieux cibler nos actions en termes de culture client. Par exemple, certains collaborateurs étaient des "promoteurs" déjà engagés dans la démarche, il s’agissait de renforcer leur rôle d’ambassadeurs, d’écouter et de coconstruire avec eux les plans d’actions et les engagements qualité. Pour les "retardataires" et les "suiveurs", l’accent a été mis sur l’acculturation et la montée en compétences en matière d’orientation client.
Céline Lachize : Nous menons actuellement tout un travail sur nos futurs engagements qualité avec pour objectif de proposer un socle d’engagements de service identique pour l’ensemble de nos locataires de nos 12 agences. La dernière mesure réalisée auprès de nos clients locataires, en fin d’année 2024, a été marquée par une baisse du niveau de la satisfaction. Nos territoires sont très différents et les niveaux de satisfaction également allant jusqu’à pratiquement 40 points d’écart sur certaines thématiques ! L’objectif est d’homogénéiser nos engagements et notre Culture Client afin que chaque locataire puisse bénéficier du même niveau de qualité de service et de relation client quel que soit son lieu d’habitation (secteur tendu / détendu – en QPV / hors QPV – urbain / rural - …). C’est pour cela qu’il nous est apparu essentiel de développer une acculturation en matière d’orientation client et de formaliser notre propre Culture Client et de la diffuser dans toute l’entreprise (Comité de Direction, managers, collaborateurs administratifs et collaborateurs de proximité).
Delphis a aussi cette conviction qu’il faut développer une culture client au sein de son organisme et nous l’encourageons notamment au travers du label LIVIA® . Quelles actions, quelles pratiques ou quels dispositifs peut-on mettre en place ?
Céline Lachize : Alliade Habitat initie tout juste une démarche sur le sujet de la Culture Client. Depuis le début de l’année, plusieurs ateliers de travail ont été programmés pour identifier les points à améliorer mais également les bonnes pratiques, les « bons ingrédients » tout au long du parcours client. Cet état des lieux a permis de définir différents plans d’actions qui doivent nous permettre de mieux répondre à nos clients et donc d’espérer voir le niveau de satisfaction s’améliorer.
En parallèle, nous avons fait le choix de mesurer très prochainement, avec le COS System, le niveau de la Culture Client auprès de nos 1 000 collaborateurs et de définir les actions nécessaires pour nous améliorer. Le plan d’action qui sera défini suite à cette mesure sera déployé tout au long de l’année 2026, et nous lancerons pour la première fois les Trophées de la Satisfaction Client qui permettront de mettre en avant les meilleurs résultats de la satisfaction clients mais également les meilleures progressions (particulièrement sur les thématiques ayant obtenu un mauvais taux de satisfaction sur notre dernière enquête). Fin 2026, nous prévoyons de remettre à plat tous les parcours clients, en définissant des engagements différents d’un profil client à un autre, ce qui nous permettra de rédiger notre propre référentiel d’engagement de service (Charte Alliade Habitat).
Gil Arban : La première condition pour renforcer la culture client de l’organisation réside dans la capacité de la direction et des managers à porter sincèrement ce sujet et à le mettre en haut de la pile. Impossible de faire semblant ! Si l’on souhaite que les équipes s’orientent davantage client, impossible de ne pas donner l’exemple en révisant les priorités et idéalement en créant une mini révolution symbolique qui va marquer les esprits en interne, sorte de preuve que la direction a fait de la satisfaction son vrai combat, et que ce ne sont pas que des mots.
Seconde étape, on doit renforcer la place du client dans toute l’organisation. Afin que tous les collaborateurs s’imprègnent des attentes des clients et des potentielles insatisfactions liées aux manières de faire en interne, que ce soit en front office ou en back office. La satisfaction client est l’affaire de tous et toutes. La DSI, comme la Comptabilité ont un impact sur l’expérience des clients !
Feriel Bedder : Après une phase de lancement – marquée par un séminaire “culture client” auprès des top managers, puis par l’enquête COS System– qui a permis à Unicil de mesurer son score d’impulsion (indicateurs clés, exemplarité des managers…) et de s’assurer de la prise de conscience des collaborateurs face à cette transformation stratégique, l’entreprise a engagé une nouvelle étape : la phase d’écoute et de co-construction de sa stratégie. Celle-ci s’est concrétisée par 10 ateliers « culture client », animés par DEL&COOP' impliquant 150 collaborateurs, avec des objectifs différenciés selon le profil des collaborateurs. Une fois cette étape franchie, Unicil a animé et consolidé la dynamique engagée, notamment à travers les Journées Qualité de Service, devenues des moments ritualisés et périodiques, impliquant l’ensemble des équipes du front et du back offices.
Quels sont les effets provoqués par une démarche « orientée client » ?
Céline Lachize : Nous nous engageons tout juste dans cette démarche « orientés client » et n’avons donc pas encore de résultats tangibles mais la mise en action initiée ce début d’année autours des plans d’action est très mobilisatrice. Ce qui nous parait primordial, c’est que « la satisfaction clients doit être l’affaire de tous » (des collaborateurs en proximité, le Front Office, jusqu’aux fonctions support, le Back Office, et à tous les niveaux de l’organisation) et que « la Culture Client doit être comprise et partagée dans toute l’entreprise ». Il est indispensable d’accentuer la transversalité au sein de notre organisation et de travailler autour de la réclamation pour nous améliorer. Un démarche « orientée client » est également une opportunité pour créer de nouvelles perspectives et une nouvelle dynamique avec un objectif phare : embarquer tout le monde !
Feriel Bedder : L’une des principales transformations menées chez Unicil réside sans doute dans la rupture du fonctionnement en silo entre le Back Office et le Front Office. Et, désormais, aucun collaborateur ne peut plus dire : « Pourquoi Unicil se préoccupe de la satisfaction des locataires quand la demande de logement est supérieure à l’offre ? » — alors que cette réflexion était encore fréquente il y a quelques mois à peine !
Pour aller plus loin, depuis juin de cette année, Unicil a lancé un appel à volontariat afin de constituer une communauté d’ambassadeurs LIVIA®, chargés de suivre et d’auditer les engagements de service auprès des collaborateurs. Cet appel a rencontré un vif succès, au point qu’il a été nécessaire de mettre en place une commission de sélection pour retenir les 16 ambassadeurs qui composent aujourd’hui la communauté.
Gil Arban : Ce que l’on voit, c’est que les entreprises qui ont fait de la culture client le sujet numéro 1 se transforment ! Il n’y a pas de fatalité à une situation dégradée. La culture interne modifie les décisions stratégiques et quotidiennes des équipes. Conséquence directe : la satisfaction des clients s’améliore. Conséquence indirecte : l’esprit d’innovation (pour satisfaire les clients) et l’autonomie des équipes se propagent.
Enfin, l’engagement des équipes est plus prégnant dans leur activité parce qu’elles ont trouvé du sens. Il faut souligner un point de vigilance : aucune évolution n’est possible tant que la direction de l’entreprise est dans la feinte et le customerwashing ! La culture d’entreprise, c’est comme un cocktail : si on décide d’ajouter beaucoup de culture client, on devra nécessairement réduire la part des autres ingrédients (culture « process », « rentabilité », etc...) et éviter les injonctions contradictoires (dans les modes de fonctionnement, les objectifs que l’on fixe, les indicateurs que l’on met en avant…).
A propos:
COS System: COS SYSTEM développe un panel exclusif d'outils scientifiques éprouvés (« Customer Orientation Score ») et de méthodologies d'accompagnement innovantes pour aider à placer le client au cœur des organisations et donc augmenter leurs performances.
Alliade Habitat: ESH créée en 1911, Alliade Habitat (groupe Action Logement) a pour ambition de proposer une expérience de qualité et des offres adaptées à ses différents locataires en région Auvergne-Rhône-Alpes.
Unicil: Entreprise sociale pour l’habitat (ESH), filiale d’Action Logement en région Sud-Est, Unicil souhaite développer sa relation client à la hauteur de son offre et de son développement patrimonial. UNICIL est engagée dans le label LIVIA® .
LIVIA® : LIVIA® est un Label de Qualité de service et Relation client dédié à l'habitat social, développé par DELPHIS et des bailleurs sociaux. Pour en savoir plus: LIVIA® | Delphis habitat & innovation.