Conter avec la comptabilité. Compter autrement pour prendre en compte les enjeux de durabilité...
On en parle (ou plutôt on commence à en parler, car le sujet est large) avec Jérémy Morales, enseignant-chercheur en contrôle de gestion et management à l'Université de Bristol au Royaume-Uni, et Clément Carn, maître de conférence à l'université Paris Dauphine PSL.
Ecoutez le podcast "Conter avec la comptabilité"
Comment prendre de bonnes décisions ?
De récentes évolutions réglementaires soutiennent la prise en compte des dimensions ESG dans la définition et la mesure de la création de valeur des organisations.
La loi Pacte a introduit le statut de Société à mission, qui invite l'organisation à préciser son rôle, sa contribution au développement responsable de son écosystème, au-delà de ses objectifs économiques.
Avec la Taxonomie verte, on entre dans les comptes de l’entreprise, puisqu’il faut renseigner des indicateurs financiers permettant d’identifier la part de ses activités durables au regard des critères édictés par l’Union européenne.
La CSRD représente également un grille d’analyse utile pour se questionner sur ses enjeux et impacts ESG, pour identifier des indicateurs permettant de rendre compte et piloter sa trajectoire en tant qu'organisation.
Et la comptabilité ? C’est bien l’un des rôles majeurs de la comptabilité de mesurer et communiquer la création de valeur de l'organisation, d’éclairer la décision des dirigeants. Jérémy Morales nous en parle dans DELPHIS, le podcast.
Or actuellement, le capital naturel ne compte pour rien dans le bilan de l’entreprise. De même, les efforts d’une organisation en matière sociale, tant vers ses usagers-clients que vers ses collaborateurs, ne sont pas clairement visibles dans le bilan comptable.
Comment poursuivre des objectifs ESG si la comptabilité ne mesure que le résultat financier ? Clément Carn, invité du podcast, partage son expertise et point de vue.
On n'aura pas de compréhension des enjeux de durabilité bien intégrés tant que la comptabilité sera complètement aveugle de ces enjeux-là, Clément Carn
Est-ce qu’on compte ce qui compte… dans la comptabilité ?
Au sein des nouvelles approches de la comptabilité, plusieurs méthodes existent pour prendre en compte les impacts positifs ou négatifs de son activité sur le plan environnemental et social. Un des écueils clairement identifié, et évoqué dans ce podcast de DELPHIS, consiste à mettre un prix sur les biens naturels ou sociaux eux-mêmes.
Plusieurs orientations existent, témoigne Clément Carn. Elles adoptent une soutenabilité faible ou une soutenabilité forte. Ainsi une soutenabilité faible sur le plan écologique, consiste à poser des valeurs économiques par le biais des bénéfices que l’on retire des écosystèmes naturels. Une soutenabilité forte consiste à à maintenir le « bon état » des écosystèmes au regard de critères scientifiques partagés. Il faut alors prendre en compte les coûts écologiques nécessaires à leur préservation ou restauration (coûts de maintien) au regard de l'impact de l'activité de l'entreprise. Cette approche est privilégiée par la méthode CARE, évoquée dans ce podcast.
Par ailleurs, tout n’est pas quantifiable. C’est ce qui fait la complexité d’un reporting ESG comme d’un bilan comptable privilégiant une approche élargie. Le rôle des expérimentations par les acteurs mobilisés dans ces démarches est important pour accompagner leur appropriation et aussi leur amélioration et le développement d'outils adaptés pour les déployer.
Une chose est sûre, poursuit Jérémy Morales, invité du podcast. La comptabilité n’est pas une donnée intangible, c’est un langage. Elle résulte de la manière dont une société considère les choses à un moment donné. Et l’enjeu de se questionner (même si on n’a pas toutes les réponses) sur les pratiques de comptabilité par exemple, contribue à développer collectivement une vision claire de la valeur dans ses différentes dimensions. Un débat utile pour soutenir la robustesse et la résilience des organisations, des territoires.
Le chiffre doit être compris comme une manière de rendre visible et donc de questionner plutôt que comme une réponse, une solution automatique, Jérémy Morales
Bonne écoute !
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