Développer des services aux seniors : avec quelles priorités ?

Pilotée par l’Union Sociale pour l’Habitat Centre-Val-de-Loire, la démarche régionale d’accompagnement au vieillissement soutient les bailleurs dans le développement de leur offre de services aux seniors. Ils sont en moyenne 30% de locataires âgés de +65 ans sur ce territoire, voire davantage dans l‘Indre et le Cher. S’appuyant sur une étude des besoins, cette démarche a permis d'identifier priorités et actions concrètes. Ce bilan partagé le 25 octobre dernier au Lab’O, à Orléans, avec bailleurs et partenaires de la région.
USH CVL vieillissement atelier seniors bien chez soi

Principaux enseignements de l’étude

Dans sa méthode elle-même, l’étude démontre l’importance d’aller-vers les locataires. En effet, celle-ci a reposé sur 1500 visites individuelles et plus de 25 ateliers collectifs organisés pendant un an auprès de +600 locataires dans 6 départements, afin de recueillir leurs besoins, leurs perceptions. « Cette démarche d’écoute était nécessaire, raconte Perrine Lablanche, chargée d’animation pour le projet*. Nécessaire pour (se) rendre compte des conditions de vie des seniors dans leur logement, pour dépasser les idées reçues sur le maintien à domicile. Nombre de seniors ont parfois peur de gêner, ne veulent pas demander. Nous avons reçu un bon accueil lors de l’étude, les personnes se sentent considérées par leur bailleur ».

« Ce lien social est primordial quand on sait qu’un tiers des locataires reçoit des visites 1 à 2 fois par mois ou moins » souligne Safaâ Amarouch, pilote du projet à l’USH CVL. Au-delà de la lutte contre l’isolement, une priorité, l’étude montre l’importance d’accompagner les aidants. « Leur rôle tend à être banalisé alors qu’il faut le rendre de plus en plus lisible, prévenir leur épuisement, ils représentent une ressource essentielle ». Autre priorité : améliorer l’information aux seniors sur leurs droits. « Une grande part ne sait pas à quelles aides ils peuvent accéder et ont besoin d’être accompagnés, rassurés dans leurs démarches administratives, notamment quand ils doivent utiliser le numérique ». L’étude pointe aussi d’autres besoins comme aider à l’entretien du logement ; soutenir la mobilité, notamment en territoire rural ; faciliter l’accès aux soins. Le tout avec des solutions accessibles économiquement aux locataires. Plus globalement, « accompagner le bien-vieillir ne se résume pas à tel ou tel service, conclut Safaâ Amarouch, c’est bien une réflexion globale s’appuyant sur les besoins des personnes dans leur territoire, qui permet de développer des réponses adaptées ».

Se lancer dans des actions de services ?

Directrice de l’USH CVL, Mina Ineflas poursuit : « La problématique du vieillissement nécessite une mobilisation de l’ensemble des acteurs locaux, nous devons nous engager collectivement. Cette journée est l’occasion de partager les besoins, des exemples de services, les bonnes pratiques, les questions posées, et aussi les pistes de partenariat entre bailleurs, collectivités, associations et sociétés de service ».

« Depuis 2010, la Loi Elan reconnaît le droit aux bailleurs d’investir des nouveaux champs d’activité notamment en matière de prestations de service, explique Bruno Wertenschlag, avocat et directeur associé du Cabinet FIDAL. Quand il n’est pas mis en place par l’état ou la collectivité, le bailleur peut créer un service d’aide aux personnes âgées soit directement (régie, filiale), soit en s’appuyant sur un partenaire qui a la pleine compétence d’intervention ». Mais quel risque d’être en concurrence déloyale vis-à-vis du privé ? « Il existe des avis rendus par le Conseil d’Etat, précise Bruno Wertenschlag, qui identifient deux conditions nécessaires : l’activité de service du bailleur doit être techniquement et commercialement complémentaire de l’activité de logeur ; l’activité revendiquée, relevant de l’intérêt général, doit être directement utile à l’organisme ». « Par ailleurs, en tout état de cause, la nécessité de répondre à un besoin local doit être avérée ». « Les travaux de DELPHIS dans ce projet, ajoute-t-il, ont permis de documenter l’état des lieux. Ils représentent par-là une démonstration de la méthode à mettre en œuvre, car permettant in fine au bailleur de justifier un besoin local non entièrement satisfait ».

« Complémentaire à l’adaptation technique du logement et de ses abords, le développement de services est un pilier de l’accompagnement du vieillissement pour favoriser le maintien à domicile. L’expérience du label Habitat Senior Services® depuis 2005 en atteste. Aujourd’hui l’ampleur du défi et la diversité des situations invitent les bailleurs à renforcer l’approche expérimentale des projets, adossée à une étude des besoins, afin d’innover en vérifiant la faisabilité du dispositif et en l’améliorant pas à pas », témoigne Laure Bourgoin, chargée de mission Habitat & Autonomie chez DELPHIS.

« L’USH CVL a pour rôle de porter l’enjeu du vieillissement dans le parc social et d’accompagner les bailleurs de la région dans leurs initiatives. Nous pouvons notamment faciliter les actions inter-bailleurs quand cela est opportun, et soutenir le développement d’un réseau local d’acteurs partenaires pour mettre en œuvre des services. Améliorer l’accès à l’information, favoriser le maintien à domicile des personnes et renforcer leur autonomie, suppose de se mettre en lien les uns avec les autres », déclare Jean Luc Triollet, président de l’USH CVL et directeur général de Val Touraine Habitat.

« On sent une demande chez nos locataires, qui va au-delà d’une mission de logeur, témoigne Pascal Longein, vice-président de l’USH CVL et directeur général de l’OPAC 36. La partie "social" du "bailleur" prend tout son sens dans l’accompagnement du vieillissement. Les interrogations sur le cadre juridique et économique des services, sur leur mise en œuvre technique, ne font pas oublier cette attente des locataires vis-à-vis de leur bailleur. Ils perçoivent une écoute attentive et sollicitent leur attention. Et c’est une marque de confiance. Un moteur de notre engagement ».

Aller plus loin :

 

A propos : L’USH Centre Val-de-Loire a mené la démarche régionale d’accompagnement au vieillissement entre mars 2021 et octobre 2022 avec 20 organismes Hlm de la région, les six Conseils Départementaux de la région, la Carsat Centre-Val-de-Loire, Action Logement, la Banque des Territoires, AG2R la Mondiale, avec l’appui du cabinet FIDAL et de l’association DELPHIS. La réussite de cette démarche doit beaucoup aux 600 locataires impliqués volontairement dans l’étude des besoins.

*Perrine Lablanche a fait partie d’une équipe de 6 chargé.es de mission mobilisé.es pendant toute la durée du projet. Elle est désormais chargée d’innovation chez Val Touraine Habitat.

 

Photos : ©USH CVL