Taxonomie verte : le dessous des cartes

Ils ont les mains dans le cambouis, confrontés de près à la Taxonomie verte européenne. Et comme pour beaucoup d’acteurs, ça leur a paru, ça leur paraît encore complexe et ardu. Intégrés à un groupe de travail, animé par la Fédération des esh et DELPHIS, ces bailleurs sociaux partagent, avec leurs pairs, méthodologies et interprétations pour mettre en place le rapport taxonomique dans leur organisme. Ils témoignent de ce qu’un tel chantier réglementaire révèle comme questionnements. Echange avec des participants de la journée de travail du 6 décembre dernier.
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Ces verbatims ont été recueillis en décembre 2024, avant l'annonce du projet "Omnibus" de simplification du reporting extra-financier de la Commission Européenne, qui pourrait avoir des implications pour les acteurs du secteur, notamment en matière de taxonomie verte européenne. Le contenu de ce règlement devrait être connu à partir du 26 février 2025.

Y aller en entonnoir

« Comment embarquer tout le monde dans un chantier technique et complexe comme celui du reporting taxonomique, avec la pression calendaire sur notre tête ? Nous nous sommes organisés dans une logique d’entonnoir. D’abord, en partageant les enjeux avec la direction (Codir, Comex), une journée durant, pour avoir un niveau d’information partagé. Puis nous avons engagé un plan de formation dédié aux référents métiers associés au projet taxonomie, pour apporter une culture commune et éviter des visions trop confuses qui alimentent les peurs. En miroir de ces échanges, nous avons discuté l’organisation permettant la mise en place concrète du reporting taxonomique. Si des sponsors sont dédiés au reporting Taxo, nous avons aussi instauré un comité commun pour le pilotage des projets Taxo, CSRD et Gestion de la donnée. Il rend compte des avancées des trois chantiers à la direction. Une initiative qui vise à faire de la Taxonomie, à terme, un support qui nourrit la réflexion globale sur notre politique RSE ».

Clément Jocteur-Monrozier, directeur de la communication et de la RSE, 1001 Vies Habitat  

 

Trouver le bon thermomètre 

« Ce qui est durable ou non au sens de l’Europe. La taxonomie le dit, elle ouvre aussi un chemin pour le faire, avec une approche environnementale globale. Si nous n’avons pas attendu la taxonomie pour réhabiliter notre parc, son adaptation au changement climatique en lien avec les critères taxonomiques représente une des priorités majeures. Cela passe par l’analyse de sa vulnérabilité aux aléas. Les risques sont là, et les coûts croissants. Disons aussi que les thermomètres pour les mesurer sont complexes. On dit que la taxonomie impose un standard mais il y a comme un standard dans le standard ! Nous partageons nos analyses dans ce groupe de travail pour établir des positions sectorielles fines sur la manière de calculer les indicateurs. C’est crucial pour ne pas se perdre, donner du sens au diagnostic, prioriser nos actions et mobiliser les différents métiers au sein des organismes. Avec la taxonomie, il faut accepter d’avancer en marchant, et on le fait ensemble ». 

Elise Vaillant, Responsable RSE, Immobilière 3F

 

De la robustesse à la confiance

« Si je n’ai pas l’info, comment je fais ? La question revient car la taxonomie éprouve la robustesse de nos processus pour collecter et gérer les données. Compte-tenu de l’ampleur des informations à traiter pour établir le rapport taxonomique, nous pensons que le travail peut s’organiser de manière non linéaire. Nous pouvons par exemple, approfondir l’analyse d’alignement là où il y a du potentiel. Et là où la performance n’est pas au rendez-vous, la taxonomie peut devenir un outil d’aide à la décision pour orienter les dépenses d’exploitation et d’investissement. En complément, pour asseoir la démarche, il s’agit d’identifier les éléments de preuve, associés au reporting dans le temps, qui soutiennent la cohérence de nos actions et la fiabilité de nos informations. Ce travail qui vise à donner confiance à nos parties prenantes, mérite d’organiser, dès le début, le dialogue avec les organismes d’audit. On est dans une phase de mise en place de la taxonomie, propice à l’échange. C’est important de s’en saisir pour se donner de bonnes bases ».

Marc Plénet, Directeur administratif et financier, Groupe Habitat en région 

 

Exercer notre responsabilité

« Au-delà de la complexité que revêt la taxonomie européenne, il est important à mon sens de s’arrêter sur les raisons pour lesquelles elle a été conçue. Quelle est sa finalité ? Elle est claire : rendre l’économie plus durable. Bien sûr qu’elle bouscule les entreprises, puisqu’elle remet en cause nos manières de faire et de penser, mais elle nous dit surtout, qu’il n’est plus possible de continuer à exercer nos activités sans tenir compte de nos externalités environnementales et qu’il est temps, collectivement, de tenir compte de l’environnement dans nos décisions d’investissement ; en somme, il est temps que les entreprises exercent leur responsabilité. La taxonomie peut être vue comme une n-ième lubie bureaucratique, mais elle peut également être vécue comme un nouveau cadre de réflexion et de prise de décision. A nous de choisir ce que nous voulons en faire et de décider dans quel monde nous voulons vivre demain ».

Anne-Laure Declaye, Directrice RSE, Groupe Habitat en région

 

Voir les choses de manière plus juste

« Les échanges permettent avec beaucoup de bienveillance, de co-construction et d’expertises, de confronter nos interprétations des textes réglementaires. Ils aident aussi à harmoniser nos méthodologies pour la mise en œuvre du reporting taxonomique. En tant que financière, j’ai beaucoup appris en matière de RSE. Je me rends compte de la richesse des échanges, liée à la diversité des acteurs, RSE et finance, direction et opérationnel, qui composent le groupe. Cela rapproche les expertises et va dans le sens de la réglementation. Cette approche élargie, plus juste, fait aussi ressortir les valeurs que l’on porte dans notre activité de logement social, et rejoint la logique de décloisonnement dans laquelle nous sommes engagés dans notre Groupe. Lorsqu’une personne est surchargée, elle a tendance à travailler seule par nécessité, mais finalement nous gagnons à instaurer cette dynamique collaborative. Nous gagnerons aussi à soutenir cette méthode de travail au sein de nos filiales ».

Saphia Fomekong, chargée du projet Rapport de gestion, CSRD et Taxonomie, Action Logement Immobilier

 

Besoin du collectif face à la complexité

« Cette journée m’a conforté sur la démarche adoptée au sein du Groupe, les conclusions présentées par les autres intervenants étant proches de celles auxquelles nous sommes parvenus. Elle a également démontré l’importance de disposer d’un collectif face à cette démarche complexe. En effet, nous avons tous des questionnements similaires, d’où l’importance de disposer d’interlocuteurs comme ceux de DELPHIS et de la Fédérations des Esh pour les partager et nous aider à y répondre. Par exemple, nous avons besoin d’éclairages au sujet de l’interprétation opérationnelle des critères en lien avec l’adaptation au changement climatique et je me réjouis que ce sujet soit intégré à la feuille de route 2025 du groupe Taxonomie. Malgré le chemin parcouru, un travail important reste à faire. Nous avançons avec humilité et avec la volonté de rendre cette démarche pragmatique et utile ».

Laura Audras, Responsable RSE, 1001 Vies Habitat

Témoignages recueillis auprès d'intervenants et participants à la journée de travail du 6 décembre 2024.

 

Vous aussi, vous vous posez des questions sur la Taxonomie verte européenne ? En tant que bailleur social, vous avez besoin de mieux comprendre les enjeux, de partager les manières de la mettre en place. Vous pouvez contacter le groupe de travail Taxonomie & Habitat social, animé par DELPHIS et la Fédération des esh. 
Contact : Juliette Ybert (ybert@delphis-asso.org).