De la nécessité de modifier les modes de calcul de la rentabilité des investissements dans la réhabilitation énergétique de son patrimoine locatif immobilier

Dans le cadre du projet Européen « RentalCal » financé par la Commission Européenne, l’association DELPHIS a pu faire le point sur les modes de calcul de rentabilité des investissements liés à la réhabilitation énergétique pratiqués en France.

Un premier constat. Qu’ils s’agissent de bailleurs institutionnels possédant plusieurs milliers de logements ou de bailleurs individuels privés ne possédant, effets des lois de défiscalisation , que quelques logements dans des copropriétés, peu de bailleurs calculent la rentabilité de leurs investissements dédiés à la réhabilitation de leur patrimoine et encore moins celle de ceux dédies spécifiquement à l’amélioration de leur efficacité énergétique. Quant aux économistes des B.E.T., leur calcul essentiellement technique se limite le plus souvent à un calcul de temps de retour des plus simples ; au bout de combien d’années, la somme des économies d’énergie attendues aura-t-elle permis de couvrir le coût initial des travaux d’investissement. Dans le meilleur des cas, les paramètres du calcul seront actualisés (ex : évolution des prix du mix énergétique) mais à proprement parler ni de T.R.I., ni de V.A.N. ?

Comment expliquer cette quasi-absence de calcul ?
Tout d’abord exonérons les économistes des B.E.T. de toute responsabilité. La rentabilité d’un projet de réhabilitation signifie le rapport entre les revenus générés par l’investissement et le coût de sa mise en œuvre. Elle dépend en gros de trois paramètres :
• Le coût total de l’investissement initial.
• Les revenus attendus
• L’ingénierie financière du projet

Or si les économistes du bâtiment sont compétents sur le premier, ils ne maitrisent le second que très partiellement (économies de consommation énergétique, évolution des prix de l’énergie) et ne sont aucunement responsable du troisième, ce dernier relevant entièrement de la compétence du bailleur maître d’ouvrage, de même que celui des revenus attendus hormis le cas où ce dernier souhaiterait activer le dispositif de contribution du locataire au partage des économies d’énergie (3ème ligne de quittance) auquel cas l’expertise du B.E.T. lui est indispensable dans le processus de concertation avec les locataires.
Intuitivement, nous pouvons dire qu’un projet de réhabilitation énergétique est intéressant lorsque :
• son temps de retour sur investissement est le plus court possible,
• sa V.A.N. est positive et d’un montant important,
• son T.R.I.  élevé.

Au regard de ces éléments, il est généralement observé dans les calculs que les travaux de rénovation énergétique se caractérisent par des indicateurs de rentabilité insuffisants : des temps de retour sur investissements longs voire en cas de réhabilitation lourde supérieurs à 30 ans, une valeur actuelle nette et un taux de retour sur investissement relativement faibles, voire négatifs s’ils sont rapportés à la maturité des prêts ayant servis à les financer.
Dès lors pourquoi se fatiguer à calculer ? Dès lors pourquoi réhabiliter énergétiquement son patrimoine ? Faut-il en déduire que les travaux de rénovation énergétiques ne sont pas rentables ou ne serait-ce point plutôt le raisonnement et les éléments de calcul mobilisés qui sont en réalité incomplets ?

Le coût total de l’investissement initial étant donné, le premier paramètre à étudier pour répondre à notre question est celui de l’ingénierie financière, paramètre fortement cadré par les subventions et aides publiques mobilisées, les éco-prêts à taux zéro (secteur libre) ou les prêts P.A.M. (locatif social) .

Le bailleur notamment s’il est de nature institutionnelle, se préoccupe avant tout du rendement de ses fonds propres, de son R.O.E. plus que de son R.O.I.. La question est dès lors de savoir ce qu’il considère comme fonds propres dans son ingénierie financière. Depuis la mise en service ou l’acquisition de son actif immobilier, bon gestionnaire, le bailleur a accumulé annuellement des provisions pour grosses réparations, (de 0,5 à 1% du coût initial de construction), doit-il considérer ses provisions comme des quasi fonds propres comme souvent il a tendance à le faire ou bien comme une simple reprise sur provisions ? Simple reprise, cette dernière n’a pas à rentrer dans l’assiette des fonds propres mobilisés pour la réhabilitation. Elle n’a pas à être intégrée dans le calcul du R.O.E., R.O.E. qui s’en trouve du coup singulièrement amélioré?

Deuxième paramètre, les revenus attendus. Plusieurs éléments sont a minima à considérer voire à intégrer dans le calcul de rentabilité.

a. Une opération de réhabilitation est le plus souvent envisagée après une période de détention du bien, ce bien générant un autofinancement net que l’on peut considérer comme un revenu permettant pour partie de couvrir l’investissement de la réhabilitation y compris dans sa dimension énergétique. Dans ce cas l’opération de réhabilitation est considérée dans sa globalité (embellissement, modernisation des équipements techniques et réhabilitation énergétique) et c’est bien la totalité du montant des loyers qui contribue à la reconstitution des fonds propres investis.
b. Le dispositif de partage des économies d’énergie , souvent négligé en raison de sa modicité (20€/mois/logement en moyenne), ne devrait-il pas être systématiquement intégré dans les calculs ne serait-ce que pour en démontrer la modeste mais utile nécessité notamment lorsqu’il s’agit de locataires de long terme .
c. Faut-il considérer séparément l’investissement dans les EnR et la production/vente d’énergie ou bien comme partie intégrante d’une opération de réhabilitation lourde notamment lorsque certains composants sont communs à la réhabilitation énergétique et aux EnR .
d. Les récentes études de la Chambre des Notaires  ou de l’ADEME montrent de manière très précise le différentiel de valorisation d’un bien immobilier en fonction de son étiquette énergétique. Selon les tensions de marché sur les territoires, faire passer un bien d’une classe énergétique E,F,D  dans une classe A, B ou C signifie un gain en valeur vénale du bien de 5 à 30%.
Plus généralement, la valeur verte peut être intégrée à différents niveaux du D.C.F. (Discounted Cash Flow) Tout d’abord, l’immeuble étant plus attractif, les délais de commercialisation locative et les temps de vacance commerciale seront en probabilité plus courts et parfois les loyers faciaux plus élevés. La demande étant plus importante et l’offre encore réduite, on constate une durée du bail souvent supérieure pour les immeubles verts (DPE A et B) avec des coûts réduits de remise en état du logement entre deux locations.
Si le D.C.F. d’un immeuble réhabilité énergétiquement est plus complexe à quantifier a priori, l’augmentation de la valeur vénale du bien concerné peut directement être intégrée dans le calcul de la V.A.N. soit parce que le bien sera vendu à terme, soit parce qu’elle contribue à l’augmentation de la valeur de bilan des actifs.

Le taux annuel de rénovation énergétique de l’habitat est loin d’être négligeable. Il varie selon le type de bailleurs de 0,20% pour les bailleurs individuels privés à 2,00% pour les bailleurs institutionnels publics. Se fiant à leurs compétences professionnelles, ces derniers ont d’ores-et-déjà intuitivement intégré dans leur raisonnement certains des éléments ci-dessus mentionnés. Il s’agit dès lors de rendre explicite l’implicite et a minima de donner la possibilité aux acteurs de terrain de compléter avec ces éléments des modes de calcul jusqu’ici déficients. La méthodologie de calcul mise à disposition dans le cadre du projet RentalCal marque une étape significative dans l’appréhension de la complexité économique des opérations de réhabilitation énergétique. En ce sens, même imparfaite, elle signifie son utilité.

 

Pour plus d’information sur l’ensemble des livrables : http://www.rentalcal.eu